Module I : La naissance de la performance et de l’expérimentation numérique
Nous allons revenir en arrière ensemble afin de nous pencher sur le mouvement Fluxus, qui a, au XXème siècle, initié une remise en question ainsi qu’une évolution des normes artistiques de la scénographie en commençant à se servir du numérique comme un outil essentiel à la création.
C’est au début des années 1960 que naît le mouvement Fluxus, un mouvement artistique d’inspiration néo-dadaïste, emmené par l’artiste George Maciunas et d’autres personnalités comme le compositeur John Cage, l’artiste George Brecht ou encore le chorégraphe Merce Cunningham.
Tout d’abord, intéressons-nous plus précisément à la performance et aux formes nouvelles d’arts amenées par Fluxus qui ont permis l’entrée du numérique dans la scénarisation artistique.
La performance est née en Allemagne au début du XXème siècle avant de trouver ses lettres de noblesse dans les années 1950 aux États-Unis avec le mouvement Fluxus. C’est à cette même période qu’on va d’ailleurs commencer à utiliser le terme « happening » pour désigner la performance artistique.
L’histoire de l’Art considère aujourd’hui que le premier happening est Untitled Event présenté par John Cage en 1952 au Black Mountain College avec la participation de Merce Cuningham, David Tudor, Robert Rauschenberg et Jay Watt. C’est en partie l’héritage des happenings de Fluxus que nous retrouvons aujourd’hui au centre des expérimentations numériques mais pas seulement. La danse contemporaine est aussi, depuis les années 1980, un laboratoire pour toutes sortes d’expérimentations, et notamment les expérimentations numériques.
A partir des années 1960, le chorégraphe Merce Cunningham a été le premier à introduire l’usage des technologies numériques dans la danse. C’est à ce moment-là que s’amorce le changement ! Les technologies numériques ne sont plus seulement des dispositifs de transmission ou de captation des performances artistiques, mais elles deviennent des dispositifs de création à part entière.
En 1965, Merce Cunningham créé la première pièce mêlant danse et technologie numérique en collaboration avec l’artiste plasticien Nam June Paik et le compositeur John Cage. Cette dernière est intitulée Variations V.
Le dispositif consiste à placer des capteurs sur le corps des danseurs afin que leurs mouvements déclenchent des événements musicaux.
Toutefois, il n’y a pas que Merce Cunningham qui a expérimenté le numérique dans les arts vivants. Plus tard, dans les années 1970, en Europe cette fois, c’est le metteur en scène belge Frédéric Flammand qui créa un centre de recherche multi-arts nommé le Plan K. Les recherches de ce centre sont basées sur l’interaction entre l’homme et la machine, ce qu’il appelle le corps-matière et le corps-image. Le but final de ces études est de mettre en place une interface permettant le mélange de toutes les disciplines des arts vivants autour des technologies numériques.
Revenons à Merce Cunningham : sa première expérimentation notable fut la création en 1989 du logiciel Life Forms ; issue d’une collaboration entre le chorégraphe et une équipe américaine de chercheur en informatique. Ce logiciel a pour but d’écrire des mouvements chorégraphiques en trois étapes. La première est d’enregistrer des enchaînements à partir d’un processus informatique. La deuxième étape consiste à générer une chorégraphie aléatoire à partir de ces mouvements pré-enregistrés. L’aléatoire étant un des éléments clés dans le processus de création du chorégraphe. Enfin, la dernière et troisième étape consiste quant à elle à créer des images grâce à des capteurs de mouvements placés sur les danseurs.
Le spectacle le plus emblématique créé à partir de ce logiciel est intitulé Biped et fut présenté au public en 1999. A travers la technique du Motion Capture, le chorégraphe réussit à mélanger sur scène des danseurs en chair et en os avec des formes abstraites crées à partir des mouvements des danseurs eux-mêmes.
Enfin, on peut citer certaines compagnies ou projets artistiques comme la compagnie Palindrome. Cette dernière est composée de danseurs, de chorégraphes, de musiciens et de scientifiques. Depuis les années 1990, elle défend le fait que la technologie doit être utilisée dans le domaine artistique. Cette collaboration inter-disciplinaire repose sur le fait que le domaine artistique et le domaine numérique doivent avant tout créer un dialogue afin de se nourrir l’un de l’autre !
Pour résumer ce module, on peut dire que depuis les années 1960 l’évolution quant à l’utilisation du numérique s’est faite de différentes manières. On a d’abord assisté à l’arrivée de technologies numériques sur scène sous la forme d’interface projetant des images ou émettant des sons ou de la musique. La plus grande avancée fut toutefois l’arrivée du numérique sur le corps même du danseur avec la technique du Motion Capture comme on a pu le voir avec notre cher Merce Cunningham !