Leçon 1 . Les faisceaux de détermination (Roger Odin)
Selon Philippe Marion il est parfois difficile de dissocier descriptif et narratif, l’image peut en effet inviter et inciter au récit (exemple:photographie de Robert Doisneau: “la sonnette”,1934). Bien que statique, l’image peut montrer une histoire (“spectacle autonome”)
Nous pouvons nous interroger sur les “mystères de la réception” (Daniel Daylan): les degrés de réalité induits par les représentations et la liberté du récepteur.
Toute image peut-être vue/lue comme un récit, cette attitude de réception individuelle “narrativisante” est aussi affaire de contexte et d’influence culturelle. Des faisceaux de determination garantissent une cohérence et une homologie dans l’interprétation collective des messages, ils sont mobiles et évolutifs ,ils diffèrent selon les lieux et les époques.
Le montré renvoie à un schème narratif integré par cognition culturelle, qui dépasse l’image seule avec des “suppléances mentales”.
leçon 2. La narrativité centrifuge de l’image
L’image est la part immergée de l’iceberg récit, elle est par essence incapable de dynamique temporelle du noeud-dénouement.
Cependant, le cadrage,la composition figurative, la perspective confèrent un effet cinétique à l’action représentée, l’image met son espace visuel au service d’un effet de mouvement, d’une illusion de temps, de durée (d’un avant, d’un après, d’une transformation), conditions de tout récit qui incitent le spectateur à retrouver la cohérence de l’intrigue.
leçon 3. La condensation et la projection
Les caricatures de presse ou cases de BD fournissent ces vectorisations narratives concentrant sur un seul plan des indices d’un avant et d’un après. La vignette condense en effet et synthétise en son espace clôturé un programme narratif avec parfois(comme les grandes fresques de la peinture narrative classique) une stratégie de distribution des rôles (plusieurs actions complémentaires sont tenues par des personnages différents, “le crabe aux pinces d’or”) qui offre la possibilité d’alimenter un récit imaginé à partir de l’image.
La forme optimale de narrativité semble atteinte par la combinaison de la condensation et de la projection vers le hors-champ/hors-temps (paradoxe de l’image qui veut condenser à elle seule une transformation en mettant en place un déséquilibre dans sa figuration).
La dialectique intro-determination et extro-determination (Gaulthier) constitue la richesse de la narrativité
Leçon 4. L’iconographie publicitaire
L’iconographie publicitaire recourt souvent à ce travail de narrativité pour suggérer la performance du produit.
Lorsqu’il s’agit d’une image fixe destinée à être consommée rapidement (affiche urbaine), l’apport du texte utile à la concrétisation du récit est limitée (lisibilité).Seules sont présentes les situations extrêmes du récit: situation initiale,situation finale; le processus transformationnel a du être éludé (publicité Smirnoff: le récit virtuel ressemble à un récit de consommation simulée).
Le spectateur doit entrer dans l’esprit ludique de l’image publicitaire et dans celui de la distanciation auto-référentielle.
Leçon 5.La problématique et le conflit monstration /narration
Ne serait-ce pas une violence contre-nature que de rechercher du récit dans l’image?
L’ordre du récit, la vectorisation temporelle,la direction de l’intrigue de la narration s’opposent à l’ordre fascinatoire absorbant de l’image (impression de totalité dans une représentation clôturée, fascination exercée alors même que le réél échoue souvent à la solliciter). L’image surprend, le discours rassure.
L’image reste par contre un terreau favorable à l’expression sensible dans l’esprit d’une économie plastique, esthetique,artistique…
La culture médiatique multiplie les rencontres de l’image et du récit mais monstration et narration n’ont pas les mêmes motivations; dans la photographie, le réel capté est immédiat et les images en disent plus que ce qu’exige le récit. L’espace-temps représenté véhicule une surabondance référentielle peu compatible avec la sélection et l’organisation associées à l’intentionnalité narrative. L’image narrative ne peut tendre à la transparence qu’instrumentalisée par un système figural et séquentiel logique.
Le récit apprivoise l’image par des moyens extérieurs, le recours à la verbalisation limite les risques de déviation sémantique associés à l’image (exemple de la météo accompagnée de la parole du présentateur,du mouvement de ses mains jouant un rôle important dans l’effet narratif)
Leçon 6. Le récit iconique
Des auxiliaires peuvent être décisifs du récit iconique: la multiplication des images et leur animation.Un récit peut prendre corps lorsque plusieurs images se côtoient et s’offrent au regard du spectateur.
La bande dessinée peut se définir comme la réunion d’un découpage et d’une mise en page (art du “tuilage” et de la “reprise”,Fresnault-Deruelle) , elle place son lecteur dans une sorte de conditionnement narratif. La succession des images produit un “effet de dominos”: une image de BD obéit au principe narratif de mise en instabilité (une case en appelle une autre), le désir de savoir du lecteur s’aligne sur le désir d’aller voir l’image d’à côté dans un système ouvert à l’emprise narrative. La BD offre l’opportunité rassurante d’une maîtrise de l’image dès lors qu’elle la place sous l’emprise du vecteur narratif (journaux et magazines tablent aussi là-dessus)
Avec le cinéma, la télévision,la narrativité intrinsèque est encore plus pregnante, il y a une “narratophilie” spontanée de l’image animée dès lors qu’elle organise plans et enchaînements dans la durée.
Des images circulent facilement d’un média à l’autre en se faisant écho,tressant des cohérences narratives transversales; certains CDroms ou jeux vidéos interactifs transforment le spectateur d’images en personnages narrateurs d’une histoire.
Le dialogue entre l’image et la narrativité ne fait peut-être que commencer…
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